Adhésion à la banque des BRICS : «L’Algérie aurait accès à de nouveaux réseaux d’affaire»

  • 04 septembre 2024 / Analyses / 195 / Hejer


Adhésion à la banque des BRICS : «L’Algérie aurait accès à de nouveaux réseaux d’affaire»

Adhésion à la banque des BRICS : «L’Algérie aurait accès à de nouveaux réseaux d’affaire»

Désormais membre de la Nouvelle Banque de Développement (NBD) des BRICS, l’Algérie accède à de nouvelles opportunités, notamment un financement élargi et un renforcement de sa position géopolitique. Cette adhésion présente également des défis, tels que l’ajustement aux priorités des autres membres. Traditionnellement réticent à l’endettement extérieur, notre pays peut maintenant bénéficier de cette coopération, en finançant ses propres projets tout en maintenant ses équilibres financiers. Pour maximiser ces avantages, il devra adapter ses politiques économiques. Une stratégie de réformes ciblées permettra au pays de surmonter les défis liés à cette participation au capital de la banque des BRICS. Dans cet entretien Mohammed Krim,  haut cadre de l’Etat, M. Krim Mohammed a dirigé un établissement financier spécialisé dans le leasing. Il a aussi occupé le poste de directeur Central chargé de la réalisation et la mise en œuvre du projet phare lié au système de paiement de sasse et de la monétique nationale et internationale. Il détient un diplôme d’Etudes Supérieures Banque et une Post-Graduation Spécialisée en Management Bancaire il est également enseignant à l’école supérieur de banque.

AlgérieInvest : L’adhésion de l’Algérie à la banque des BRICS a été officiellement approuvée. Quelles seront les principales retombées pour notre pays à court et à long terme ?

Mohammed Krim : La participation de l’Algérie au capital de la Nouvelle Banque de Développement (NBD) des BRICS pourrait avoir plusieurs retombées importantes pour le pays :

  • Accès facilité aux financements : En tant que membre contributeur au capital de la NBD, l’Algérie aurait un accès prioritaire aux prêts de cette banque pour financer ses projets de développement. Ces fonds pourraient être utilisés pour soutenir des infrastructures importantes, à l’instar de l’énergie renouvelable, le transport, les technologies de l’information et d’autres projets stratégiques nécessaires à la diversification et à la croissance de l’économie algérienne ;
  • Amélioration de la capacité de financement : La NBD est une institution multilatérale qui accorde des prêts à des conditions souvent plus avantageuses que celles proposées par d’autres banques multilatérales ou les marchés financiers internationaux. La participation de l’Algérie dans son capital pourrait donc lui permettre de financer des projets à des taux d’intérêt plus bas et avec des conditions plus flexibles, réduisant ainsi les coûts d’emprunt du pays ;
  • Renforcement des partenariats stratégiques : En devenant actionnaire de la banque des BRICS, l’Algérie pourrait renforcer ses partenariats stratégiques avec des pays membres influents comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, et l’Afrique du Sud, etc. Ces relations renforcées pourraient aboutir à des investissements bilatéraux, à des accords commerciaux, et à des partenariats dans des domaines comme l’énergie, l’industrie et l’agriculture ;
  • Diversification des sources de financement : La participation dans le capital de la banque permettrait à l’Algérie de diversifier ses sources de financement au-delà des institutions financières traditionnelles dominées par l’Occident, comme le FMI et la Banque mondiale. Cela offrirait à l’Algérie une plus grande flexibilité et une indépendance dans ses choix économiques et de développement ;
  • Accès aux devises internationales : En tant qu’actionnaire de la NBD, l’Algérie pourrait avoir accès à des facilités de change et à des lignes de crédit en devises étrangères, ce qui serait utile pour stabiliser ses réserves de change et faciliter les transactions internationales ;
  • Stimulation des investissements étrangers directs (IED) : La participation à la NBD pourrait encourager les investisseurs des pays des BRICS à investir en Algérie, en raison de la perception d’un environnement d’affaires plus stable et des liens institutionnels renforcés avec ces économies. Cela pourrait également aider l’Algérie à attirer davantage d’investissements dans des secteurs clés tels que l’industrie, les mines et les services financiers ;
  • Renforcement de la position géopolitique : L’Algérie pourrait utiliser sa position de contributeur au capital de la NBD pour accroître son influence géopolitique dans la région et dans les forums internationaux. Cette influence renforcée pourrait lui permettre de mieux défendre ses intérêts économiques, politiques, et de sécurité sur la scène mondiale.

Il va sans dire que l’ensemble de ses leviers gagnerait à être réconfortés par le placement au sein de cette banque de compétences algériennes qualifiées qui veilleraient à la promotion des intérêts de notre pays.

Ceci étant, l’intégration de l’Algérie à la NBD comporte également des défis potentiels, tels que la nécessité de s’aligner sur les priorités et les politiques de développement des autres membres des BRICS, ainsi que l’engagement financier nécessaire pour contribuer au capital de la banque.

Comment l’Algérie pourrait-elle profiter pleinement de son intégration au capital de cette banque, notant sa position traditionnelle des financements extérieurs ?

Parler aujourd’hui de l’adhésion de l’Algérie à la NBD nous interpelle naturellement sur les raisons qui la poussent à s’abstenir des financements extérieurs et de refuser l’endettement extérieur. Cela peut, en effet, s’expliquer par les éléments suivants :

  • .● La préservation de la souveraineté économique : Le refus de l’Algérie de s’endetter est souvent justifié par une volonté de préserver sa souveraineté économique et d’éviter d’être soumis à des conditions souvent imposées par les créanciers internationaux. Cela permet au pays de conserver une certaine indépendance dans ses choix de politique économique.
  • La gestion des risques financiers : L’endettement extérieur peut exposer un pays à des risques financiers importants, surtout en cas de fluctuations des taux de change ou de conditions économiques globales défavorables. En évitant l’endettement extérieur, l’Algérie cherche à se prémunir contre ces risques et à éviter une crise de la dette.
  • Priorité aux ressources internes : L’Algérie a choisi de se concentrer sur la mobilisation de ses ressources internes pour financer ses projets de développement. Cette approche vise à encourager l’épargne nationale, à stimuler l’investissement interne et à utiliser au mieux ses propres richesses, comme le pétrole et le gaz, pour soutenir son économie.
  • Eviter des scénarios déjà vécus : L’Algérie, ayant déjà traversé une crise de la dette dans les années 1990, souhaite éviter de revivre une telle situation.
  • La diversification économique : L’Algérie cherche à diversifier son économie et à réduire sa dépendance au secteur des hydrocarbures. En se tenant à l’écart de l’endettement extérieur, elle essaie de renforcer ses capacités productives locales et d’encourager l’innovation et l’entrepreneuriat nationaux.

Ainsi, et à l’effet de s’orienter vers une posture plus souple et avantageuse vis-à-vis de cette problématique, il serait utile d’approcher la question du financement extérieur avec une perception renouvelée qui prend en ligne de compte les opportunités non négligeables en perspective, notamment pour ce qui est des financements émanant d’institutions financières dont l’Algérie est déjà membre, à l’instar de la Banque africaine de développement BAD.

L’Algérie est en mesure de tirer profit de sa présence au sein de ces institutions financières multinationales, en finançant ses propres projets de développement et en diversifiant ses ressources, tout en s’inscrivant dans une approche à la fois mesurée et réfléchie de manière à préserver ses équilibres financiers et à privilégier une croissance durable et autonome.

Vous avez mentionné que la participation à la NBD pourrait attirer les investisseurs des pays des BRICS vers l’Algérie. Pourriez vous détailler les mécanismes par lesquels cela pourrait se concrétiser ?

Absolument. En rejoignant la NDB, l’Algérie bénéficierait d’un accès privilégié au financement de projets d’infrastructure et de développement durable, comme les routes, les ports, l’énergie, et les télécommunications. Cela améliorerait l’attractivité du pays pour les investisseurs en réduisant les coûts d’entrée et de diverses autres opérations.

De plus, la NDB favorise les partenariats public-privé et les investissements conjoints entre les pays membres, ce qui permettrait à l’Algérie de collaborer avec des investisseurs des pays BRICS pour cofinancer des projets stratégiques, tout en facilitant les transferts de technologie et l’accès à de nouveaux marchés.

Cette participation pourrait également jouer un rôle clé dans l’amélioration de la perception de la stabilité économique et politique de l’Algérie, réduisant ainsi les risques perçus par les investisseurs internationaux.

En faisant partie de cette institution multilatérale de développement, l’Algérie aurait accès à de nouveaux réseaux d’affaires et pourrait diversifier ses sources de financement, s’éloignant des institutions financières traditionnelles telles que le FMI et la Banque mondiale, et bénéficiant potentiellement de conditions de prêt plus favorables.

Par ailleurs, cette adhésion renforcerait les relations économiques et politiques entre l’Algérie et les pays des BRICS, ouvrant la voie à de nouveaux accords bilatéraux et à un environnement d’investissement amélioré, incitant ainsi les entreprises des BRICS à investir davantage en Algérie.

En combinant ces mécanismes, la participation de l’Algérie à la NDB pourrait jouer un rôle clé dans la stimulation des investissements des pays BRICS vers le pays, en améliorant son attractivité en tant que destination d’investissement tout en offrant de nouvelles avenues de coopération économique.

L’Algérie devrait donc ajuster ses politiques financières pour s’aligner aux exigences des BRICS ? Quels sont les enjeux majeurs associés à ces ajustements, et comment les aborder efficacement ?

Oui, si l’Algérie souhaite s’intégrer pleinement aux BRICS, elle devra ajuster ses politiques financières et économiques pour se conformer aux exigences et aux priorités de ce groupe de pays émergents. Ces ajustements sont nécessaires pour maximiser les avantages potentiels de cette intégration tout en minimisant les risques. Voici les enjeux majeurs associés à ces ajustements, ainsi que des stratégies pour les aborder efficacement :

Enjeux majeurs associés aux ajustements

  • Réduction de la dépendance aux hydrocarbures : L’Algérie dépend fortement des revenus du pétrole et du gaz. Les BRICS, en tant que groupe, valorisent une diversification économique qui réduit la vulnérabilité aux chocs externes. Pour s’aligner, l’Algérie devra diversifier ses sources de revenus, ce qui peut être difficile en raison de la longue tradition de dépendance aux hydrocarbures.
  • Modernisation et libéralisation du secteur financier : L’Algérie devra réformer son secteur financier pour attirer davantage d’investissements étrangers, notamment en modernisant ses banques et en adoptant des normes de transparence conformes aux standards internationaux pratiqués par les BRICS. Cela inclut une libéralisation partielle du marché financier et une amélioration de l’accès au crédit.
  • Réformes monétaires : Les BRICS favorisent des échanges commerciaux dans leurs propres devises pour réduire leur dépendance au dollar américain. L’Algérie devra envisager des réformes pour faciliter l’utilisation de devises alternatives, comme le yuan ou le rouble, ce qui peut introduire des risques de change et de volatilité financière.
  • Amélioration du climat des affaires : L’intégration aux BRICS nécessitera un meilleur climat d’affaires pour attirer les investisseurs des pays membres. Cela implique la simplification des procédures administratives, la réduction de la bureaucratie, et la lutte contre la corruption, qui peut nécessiter des réformes juridiques et institutionnelles significatives.
  • Développement des infrastructures : Pour faciliter les échanges commerciaux avec les pays BRICS, l’Algérie devra investir massivement dans les infrastructures de transport, de logistique, d’énergie et de communication. Cela est essentiel pour réduire les coûts commerciaux et améliorer la compétitivité économique.
  • Alignement des normes et règlements : L’Algérie devra adapter ses normes commerciales, industrielles et environnementales pour se conformer à celles des BRICS. Cela pourrait exiger des réformes réglementaires et législatives importantes, qui peuvent parfois être politiquement sensibles.

Comment aborder efficacement ces ajustements ?

  • Elaborer un plan de réformes économiques progressif : Mettre en œuvre des réformes de manière progressive et en phases pour éviter des perturbations économiques soudaines. Prioriser les réformes qui offrent des gains rapides tout en jetant les bases pour des changements à plus long terme.
  • Diversifier les sources de revenus : Encourager le développement de secteurs non pétroliers, tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière, les technologies de l’information et le tourisme pour réduire la dépendance aux hydrocarbures. Cela nécessite des politiques incitatives et des investissements stratégiques.
  • Moderniser le système financier : Renforcer les capacités des institutions financières algériennes, promouvoir l’inclusion financière et adopter des normes internationales de transparence et de régulation pour améliorer la confiance des investisseurs.
  • Promouvoir l’utilisation de devises alternatives : Signer des accords bilatéraux et multilatéraux de compensation monétaire avec les pays BRICS pour favoriser l’utilisation de devises locales dans les échanges commerciaux et financiers.
  • Améliorer le climat des affaires : Introduire des réformes pour simplifier les procédures administratives, réduire les obstacles réglementaires et renforcer l’Etat de droit. Cela inclut la lutte contre la corruption et l’amélioration de la transparence dans les pratiques commerciales et financières.
  • Investir dans les infrastructures : Utiliser les ressources disponibles, y compris les prêts et les financements des institutions BRICS pour développer les infrastructures essentielles qui soutiendront la croissance économique et le commerce avec ces pays.
  • Mobiliser les partenariats internationaux : Tirer parti des partenariats avec les pays BRICS pour obtenir des financements, des technologies et des conseils sur les meilleures pratiques, tout en assurant une diplomatie active pour maintenir de bonnes relations avec d’autres blocs économiques.

En adoptant une approche stratégique et en mettant en place des réformes ciblées, l’Algérie peut surmonter les défis de son intégration aux BRICS et tirer parti des opportunités économiques et commerciales offertes par cette coalition de pays émergents.



source: https://www.algerieinvest.dz/

Analyste: Mohamed krim

Mohamed krim été l'ancien directeur général de SNL (société nationale de leasing), il a ensuite été président de la commission technique statutaire d'automatisations des transactions bancaires et actu...

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