Algérie: Transformation digitale, l’enjeu de la sécurité et de la protection des données



Algérie: Transformation digitale, l’enjeu de la sécurité et de la protection des données

Algérie: Transformation digitale, l’enjeu de la sécurité et de la protection des données

L’Algérie ne veut pas rater le train de la transformation digitale et l’intégration de l’intelligence artificielle dans divers secteurs. La volonté politique y est, d’autant plus que la question est classée au rang des priorités par les pouvoirs publics. Une stratégie nationale de transformation numérique est déjà établie et vient d’avoir l’aval du président de la République. Ce tournant numérique, déjà entamé, doit être accompagné par une stratégie de protection de données personnelles qui est un élément majeur dans le processus de cette transformation, et surtout un des enjeux de la souveraineté numérique.

La transformation digitale n’est plus un choix. Comme c’est le cas dans le monde, cette transformation touche tous les secteurs-clés en Algérie, sachant que le gouvernement s’est engagé dans une profonde mutation afin de promouvoir une économie numérique, développer la e-gouvernance, en sus de favoriser l’inclusion numérique dans le pays.

Ces objectifs, dont une partie est déjà en cours de concrétisation, reflètent le choix stratégique des autorités, notamment dans le contexte mondial actuel.  Et c’est l’intégration de l’Intelligence artificielle (IA) qui a accéléré le processus de la digitalisation à l’échelle mondiale. L’Algérie ne fait pas exception, d’autant qu’elle a mis en œuvre depuis 2021 la stratégie nationale de recherche et d’innovation sur l’intelligence artificielle 2020-2030, en plus de la création de l’Ecole nationale supérieure d’intelligence artificielle (ENSIA) et plusieurs laboratoire de recherche en IA. Ces réalisations marquent l’engagement et le progrès réalisé par le pays en la matière.

L’intégration de l’IA s’impose, en effet, comme un levier incontournable qui augmente progressivement et touche des secteurs différents, à l’instar de l’économie, l’agriculture, la santé ou encore l’enseignement. Cet outil technologique séduit tant les individus que les entreprises, grâce à sa capacité d’optimiser la gestion des services publics, de renforcer la sécurité des systèmes d’information, d’accélérer la recherche scientifique, en plus de favoriser l’émergence de nouveaux métiers et industries.

Allier usage de l’IA et protection des données

Il est connu que l’IA « se nourrit » des données. Les systèmes d’IA ont besoin de grandes quantités de données, qui proviennent de sources diverses, pour fonctionner efficacement. Toutes ces données doivent être stockées quelque part, souvent dans de grands Data Centers, d’où l’importance de sécuriser ce stockage et l’accès à ces données. Comment allier donc l’usage et l’intégration de l’IA, d’un côté, et assurer la protection des données, notamment personnelles, d’un autre côté ?

Les autorités algériennes avaient compris l’importance de mettre en place des réglementations pour encadrer l’usage et l’accès à ces données. Cela à travers la promulgation de la loi 18-07 relative à la protection de personnes physiques dans le traitement des données à caractère personnel, qui est entrée en vigueur en 2023.

Une autorité nationale de protection des données à caractère personnel (ANPDP) a été aussi créée pour assurer le respect de la loi 18-07 qui s’applique aux organismes publics et privés. Des opérations de sensibilisation, auprès des organismes publics et privés, sur l’importance de se conformer à cette réglementation sont menées régulièrement par l’ANPDP.

L’impératif d’assurer la souveraineté numérique du pays s’impose également. Cela passe principalement par le renforcement de la cybersécurité, le développement d’infrastructures numériques nationales telles que la construction de réseaux de télécommunication robustes et sécurisés, ainsi que le développement des Data Centers souverains pour le stockage des données sensibles. L’Algérie a déjà franchi de grands pas dans ce sens, en coopération avec le géant chinois du high-tech, Huawei.

En plus du dispositif mis en place pour la protection des données personnelles, l’Algérie peut aussi s’inspirer des modèles développés ici et là. C’est ce qui est préconisé par les experts. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui est une réglementation européenne, peut être un exemple. Selon Djallal Bouabdallah, consultant en transformation digitale et en cybersécurité, en plus du RGPD, «l’Algérie pourrait s’inspirer des différentes propositions de régulation de l’IA au niveau européen, comme l’AI Act actuellement en discussion».

Ce texte prévoit, a-t-il expliqué, notamment une approche basée sur les risques, avec des obligations graduées selon le niveau de criticité des systèmes de l’IA. Il introduit aussi des exigences en matière de qualité des données, de transparence, de supervision humaine et de robustesse qui pourraient être pertinentes dans le contexte algérien, selon les précisions de M. Bouabdallah. «L’enjeu sera d’articuler intelligemment ce cadre IA avec la loi 18-07 sur la protection des données personnelles, pour assurer une cohérence d’ensemble», a-t-il souligné. 

Le développement d’un modèle IA local se présente également comme une solution pour renforcer la protection des données. Le consultant en transformation digitale et en cybersécurité a mis en avant les multiples avantages de cette solution, en termes de protection des données et de souveraineté numérique. « Cela permettrait à l’Algérie de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la collecte des données jusqu’au déploiement des modèles, en passant par leur entraînement », a-t-il affirmé.

C’est surtout un moyen de réduire les risques de fuite de données sensibles vers l’étranger et de s’assurer que l’IA produite est en phase avec les valeurs et les besoins de la société algérienne, a assuré l’expert, soulignant la nécessité de disposer des infrastructures techniques adéquates, notamment en termes de capacité de calcul et de stockage. Ceci peut représenter des investissements importants, a-t-il indiqué. « Il faudra aussi veiller à préserver une forme d’interopérabilité avec les standards internationaux pour éviter une fragmentation préjudiciable à l’innovation », a ajouté M. Bouabdallah.

Pour une IA de confiance en Algérie

Le consultant a, par ailleurs, émis des propositions pour favoriser l’essor d’une IA de confiance en Algérie, et cela à plusieurs niveaux.  Sur le plan réglementaire, il est nécessaire de définir un cadre juridique ambitieux en mixant des règles contraignantes sur les sujets-clés (données, transparence, non-discrimination…) et des approches plus souples type codes de conduite sectoriels ou sandboxes réglementaires pour expérimenter les innovations de façon encadrée, a-t-il noté.

Sur le plan technologique, l’expert en transformation digitale et cybersécurité a souligné la nécessité d’investir dans des infrastructures mutualisées de type Cloud Souverain ou Data Centers IA « pour démocratiser l’accès à ces technologies auprès des chercheurs, des star-tups et des entreprises, dans une logique de ‘’bien commun numérique’’ ».

Sur le plan des compétences, il propose de lancer un grand plan de formation et d’acculturation à l’IA à tous les niveaux : éducation nationale, enseignement supérieur, formation professionnelle, sensibilisation grand public… L’enjeu est de faire émerger une véritable littératie IA au sein de la population.

Et sur le plan éthique, il est recommandé de créer une structure nationale multidisciplinaire et indépendante, type comité consultatif, chargée d’émettre des avis et des recommandations sur les enjeux sociétaux de l’IA, d’auditer des projets à fort impact, et d’organiser le débat public sur ces sujets.

En somme, le développement de l’IA en Algérie est nécessaire et surtout porteur de nombreuses opportunités. Il faut néanmoins « l’inscrire dans un projet de société global, alliant progrès technologique et progrès humain », préconise M. Bouabdallah, affirmant que « la protection des données personnelles en est un prérequis fondamental, qu’il faut penser en articulation étroite avec les autres enjeux-clés que sont la souveraineté numérique, l’équité, la transparence et la robustesse des systèmes ». « C’est à ce prix que l’Algérie pourra développer une IA porteuse de valeurs et au service du bien commun ».


source: https://www.jeune-independant.net/

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