Oragroup : une augmentation de capital avant la cession à Vista



Oragroup : une augmentation de capital avant la cession à Vista

Oragroup : une augmentation de capital avant la cession à Vista

Si Vista et ECP ont trouvé un nouvel accord après l’échec du premier, Oragroup, qui est en proie à des difficultés, veut passer d’abord par la case de l’augmentation de capital. Objectif : renforcer la banque et maximiser la valeur avant la cession. Simon Tiemtoré de son côté ne lâche pas l’affaire.

Le 15 octobre prochain, les actionnaires d'Oragroup, un groupe financier qui opère dans 12 pays africains, sont invités à se prononcer sur une décision importante et urgente pour la holding : accorder ou non au conseil d’administration le plein pouvoir de procéder à une augmentation de capital. Cet appel au vote intervient alors que le groupe traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire récente, marquée par une crise de liquidité prolongée, une dégradation continue de ses ratios de fonds propres et une baisse alarmante de sa note de crédit.

En effet, Oragroup se trouve dans une situation financière précaire. Selon l'agence de notation Fitch, qui a abaissé la note de la banque à « CC » en septembre 2024, le risque de défaut de paiement est désormais très élevé. La banque doit faire face à des échéances de dettes importantes dès octobre, mais ses ressources financières actuelles ne semblent passuffisantes pour les honorer sans une injection de fonds externes ou une augmentation de capital immédiate.

Cette crise de liquidité, combinée à une exposition importante aux risques souverains en Afrique centrale et de l'Ouest, a sévèrement fragilisé la banque. Son ratio de fonds propres de base (CET1) est tombé à 2,3 % à fin 2023, bien en dessous des 7,9 % exigés par les régulateurs. De plus, Oragroup fait face à une proportion élevée de prêts non performants (20 % du portefeuille total en 2023) et à une concentration de crédit dangereuse : les 20 plus grands prêts représentent 231 % de ses fonds propres.

Une opération de sauvetage avant toute cession

C’est dans ce contexte de tempête que le conseil d’administration d’Oragroup demande aux actionnaires une augmentation de capital. L’objectif est de lever jusqu’à 160 milliards FCFA en émettant de nouvelles actions. Si les actionnaires votent en faveur de la résolution, cela donnerait au conseil la capacité d’émettre ces actions supplémentaires « en une ou plusieurs fois, en fonction des besoins financiers d’Oragroup », peut-on lire dans la convocation de l’assemblée mixte prévue pour mi-octobre.

Selon la proposition du conseil, si l'opération est validée, les actionnaires actuels auront la priorité pour acheter les nouvelles actions afin de maintenir leur part dans le groupe bancaire. Ils pourront également demander à acheter plus d'actions si d'autres restent disponibles après que tous les actionnaires auront exercé leur droit initial. Si toutes les actions ne sont pas vendues, elles pourront être proposées à d'autres investisseurs ou au public. Une manière de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires avant toute opération de rachat, tant la grogne des petits porteurs, y compris des institutionnels, était palpable ces derniers mois.

Cette augmentation de capital apparaît comme une manœuvre de la dernière chance, un sursaut de survie pour une banque à bout de souffle. D’autant plus que ce premier semestre, les résultats étaient toujours dans le rouge, avec une nouvelle perte de 13,8 milliards FCFA, après un déficit de 18,2 milliards FCFA en 2023, et ce, dans un environnement où le produit net bancaire (PNB), les dépôts, les crédits et le résultat d’exploitation ont tous baissé alors que les coûts d'exploitation ont augmenté de 21 % sur les six premiers mois de 2024.

Vista en embuscade

Un autre acteur suit de près la situation : Vista Group, un groupe bancaire ambitieux qui cherche à s’étendre en Afrique de l’Ouest. Un premier accord de rachat d’Oragroup, signé en août 2023 avec ECP Financial Holding (EFH), l’actionnaire majoritaire, avait échoué. Les régulateurs, soucieux de la fragilité financière d’Oragroup, avaient bloqué la transaction, en demandant des garanties supplémentaires. Un coup dur, mais Vista Bank, dirigé par Simon Tiemtoré, ne s’est pas laissé abattre.

Le 30 septembre dernier, un nouveau contrat de cession a été signé, a annoncé Oragroup. ECP, qui a dénoncé et fini par annuler le premier deal, a accepté de céder la totalité de ses actions à Vista, à condition d'obtenir l’approbation des autorités de régulation de l’UEMOA et des autres zones monétaires où Oragroup est présent. Si cet accord aboutit, Vista pourrait prendre le contrôle d’une banque déjà recapitalisée grâce à l’opération dont l’autorisation des actionnaires est attendue le 15 octobre. Sans doute une question de formalité, car ECP détient 50,01 % de la holding bancaire. A ces parts, s'ajoutent celles d'autres actionnaires institutionnels, tels que PROPARCO, BIO, DEG, et Envol Afrique, également sur le départ dans le premier accord, et qui devraient faire front ensemble. Ce serait pour le groupe une prise stratégique, lui permettant d’intégrer une institution mieux dotée financièrement. Dans le cadre du premier accord avec Vista, Simon Tiemtoré et ses équipes avaient déjà réussi à mobiliser d'importants financements auprès d’institutions de premier plan telles que Afreximbank (253 millions d'euros) et la BOAD (25 milliards FCFA).

Le vote du 15 octobre pourrait donc avoir des conséquences majeures pour l’avenir du groupe. Si les actionnaires donnent leur feu vert – ce qui devrait être le cas vu la structure de l'actionnariat – le conseil d’administration aura le pouvoir de lancer une augmentation de capital. Ce montant permettrait à Oragroup de restaurer ses fonds propres et de renforcer sa position avant une possible prise de contrôle par Vista, ou de répondre aux obligations immédiates pour éviter des défauts de paiement en cascade et même un bank run, en dépit du fait que indépendamment de leur maison-mère, plusieurs des filiales présentent des situations plus solides et optimistes. 

L’opération aurait ainsi l’avantage de redonner de la vigueur à une banque en difficulté et de la rendre plus attractive en augmentant sa solidité financière. Un tel renforcement des capitaux est souvent positivement perçu dans le cadre d'une fusion ou d'une acquisition, car il est censé stabiliser l'entreprise et lui donner plus de moyens pour faire face aux nouvelles stratégies que l'acquéreur pourrait vouloir mettre en place.

Fiacre E. Kakpo


source: agenceecofin.com

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