La Tunisie peut-elle devenir un pays “startup friendly” pour l’Afrique?
- 17 septembre 2023 / Actualité / 315 / Hejer
Parce que la Tunisie est un potentiel hub incontournable de l’innovation, un pays de startups au carrefour de la Méditerranée, de la région MENA et de l’Afrique, la South Mediterranean University (SMU: MSB/MedTech/LCI), située aux Berges du Lac 2 à Tunis a choisi le thème du « positionnement des startups tunisiennes en Afrique » pour sa 7e conférence du cycle des “Jeudis de l’Afrique“, en collaboration avec le Forum tunisien des politiques publiques (FTPP).
Pour la circonstance, elle a réuni un panel de très haut niveau composé de représentants de l’Etat agissant dans la sphère des startups, mais aussi de plusieurs acteurs privés du secteur pour débattre de la place que les entrepreneurs tunisiens peuvent obtenir sur le continent grâce à l’excellence de leur formation académique et à la confiance dont ils bénéficient de la part de nombreux investisseurs locaux et régionaux.
« La qualité des projets auxquels nous sommes exposés témoignent de la pertinence de toute la chaîne de valeur », a déclaré à l’ouverture de la conférence Hela Chaari, directrice du Centre de Carrière et des Alumni à la SMU, citant à titre d’exemple Instadeep, cette startup tunisienne qui a réussi la plus belle levée de fonds jamais réalisée par une entreprise de ce genre dans le pays.
Un parcours de combattant
Zohra Slim, co-fondatrice et CWO d’Instadeep, invitée de l’événement, a raconté le parcours de l’entreprise qui a débuté en 2014 alors que la notion de startup n’était pas connue et qui a dû partir ailleurs pour atteindre son niveau actuel de développement. « La Tunisie est maintenant en ébullition, il y a des nouveautés, il y a de nouvelles idées régulières », a-t-elle constaté, formulant le vœu de pouvoir effectuer des échanges avec des compétences étrangères en Tunisie pour éviter qu’elle ne se renferme sur elle-même. « Pour que nos startups puissent grandir, il faut ramener des talents de l’étranger », recommande-t-elle.
Il est en effet attesté, comme l’ont souligné nombre d’intervenants privés dans le débat, que les lourdeurs administratives et la bureaucratie dans la phase de création des startups ne facilitent pas toujours la tâche des jeunes entrepreneurs. Si l’on y rajoute la rigidité du cadre de change et du paiement en ligne, le processus de financement, l’octroi des allocations mais aussi la non actualisation du Code des sociétés commerciales, les lancements de projets s’apparentent à un parcours de combattant.
Cela a d’ailleurs immédiatement eu un impact sur les classements internationaux et index spécialisés qui ont situé, en 2022, la Tunisie au 83e rang mondial dans l’indice de l’écosystème des startups, cédant neuf places depuis 2019.
Les chiffres des startups en Tunisie
Selon Smart Capital, un millier de startups gravitent dans la sphère entrepreneuriale tunisienne dont 49 sont étrangères. 884 labels leur ont été octroyés depuis 2019 tandis que 40 % des startups en Tunisie ont une femme co-fondatrice, 31 % d’entre-elles sont issues des régions et 2 % sont l’œuvre de la diaspora (chiffres de 2021).
Néanmoins, il existe un déséquilibre entrepreneurial entre les régions : le Grand Tunis abritant plus de 70 % des startups labellisées, devant Sousse (12 %), Sfax et Nabeul (5 %), puis Monastir 3 %. Ces cinq villes accaparent donc à elles seules 95 % de ces entités. Un seul gouvernorat, sur les 24 que compte le pays, en l’occurrence Siliana, ne dispose d’aucune entité labellisée.
Hela Chaari a également tenu à rappeler l’importance des SSO (incubateurs, accélérateurs, co-working spaces ou autres) qui soutiennent les startups sur tout leur parcours en les guidant et les assistant pour leur permettre de décrocher leur premier ticket significatif pour aller plus loin dans leur processus de croissance. 50 des SSO de la place sont partenaires de Smart Capital. Et pourtant, seules 30 % ont été accompagnées par des SSO.
Côté public, ce sont 27 pépinières qui ont été créées sur tout le territoire tunisien.
Ces résultats sont l’aboutissement des différentes stratégies publiques engagées dans le but de positionner le pays en tant que hub technologique régional.
Mme Maha Trabelsi, vice-présidente du Forum Tunisien des Politiques Publiques (FTPP), a rappelé, durant la conférence, que « la réussite des startups passe par la capacité du pays à fédérer les énergies autour d’une même vision qui est le développement et le fait de catalyser la dynamique d’innovation en mettant en place un écosystème propice ».
A l’heure actuelle, on dénombre 13 startups tunisiennes à l’étranger dont cinq en Afrique (au Maroc, en Côte d’Ivoire, en Egypte et au Niger). 49 startups possèdent un siège à l’étranger mais avec une filiale en Tunisie. Autant de belles aventures destinées à constituer une source d’inspiration pour la jeunesse tunisienne.
La conférence a été modérée par Ridha Mahjoub, EMBA Alumni et expert en développement commercial pour la zone Afrique.
Ils ont dit durant la conférence :
Nejia Gharbi, directrice générale à la Caisse des dépôts et consignations : « Nous sommes une institution publique qui investit dans le privé, prioritairement dans le PPP. Nous appuyons les PME et dynamisons le marché financier. Nous avons commencé à travailler sur le financement des startups en 2018 selon un modèle qui répond à ses besoins particuliers ».
Wassim Mnif, directeur de l’Economie numérique au ministère des TIC : « En Tunisie, nous avons toujours eu un système de l’innovation avec au moins ses trois composantes principales : les structures publiques et privées, les programmes et les actions ainsi que les incitations et le financement. Ce qui compte maintenant, c’est le Startup Act 2 qui est pensé dans un cadre qui va retourner aux fondamentaux, à savoir la stratégie nationale de l’innovation conçue par le gouvernement actuel qui a été débattue au cours des premières Assises de l’innovation en novembre 2022 ».
Alaya Bettaieb, directeur général de Smart Capital précise : « Nous sommes actuellement en phase de validation de neuf fonds d’investissements supplémentaires. La majorité d’entre eux va travailler sur la région MENA et Afrique. L’écosystème est donc en passe d’être boosté, surtout qu’en 2024, il y en aura quatre autres, tous dédiés au financement des startups car nous sommes conscients de la nécessaire dimension hors Tunisie pour les accompagner ».
Pour sa part, Mohamed Ali Lakhoua, Senior Investment officer à Africinvest et CIO à Digital Africa et fondateur de Maza affirme : « Nous sommes un investisseur panafricain avec un ADN tunisien. Nous nous sommes développés en Afrique du Nord, et très vite nous sommes allés en Afrique sub-saharienne. Quand nous investissons dans les startups, le stade de maturité que nous recherchons, ce sont les startups qui ont prouvé leur modèle en Tunisie et qui veulent avoir accès à un réseau de clients et de fonds ».
A son tour, Ali Mnif, investisseur et spécialiste du digital en Afrique estime : « S’attaquer à un continent comme l’Afrique est un petit peu prétentieux. La zone d’influence est finalement réduite à quatre ou cinq pays. A partir de là, la question est de savoir ce que nous sommes en train de faire en termes de diplomatie économique, en termes de commerce extérieur, de soft power, de développement mutuel. Les startups sont un maillon faible du dispositif économique et nous ne pouvons pas leur demander de faire des miracles dans ces zones d’influence ».
source: https://www.leconomistemaghrebin.com