USA/Afrique : le futur incertain de l’accord AGOA sous Trump



USA/Afrique : le futur incertain de l’accord AGOA sous Trump

USA/Afrique : le futur incertain de l’accord AGOA sous Trump

L’abandon du régime de préférences commerciales, qui a toujours bénéficié d’un soutien bipartisan au Congrès américain, semble peu probable. La prochaine administration américaine pourrait soit élargir, soit limiter la portée du programme, au gré de ses intérêts économiques et géostratégiques.

Le retour de Donald Trump (photo) à la Maison Blanche augmente les incertitudes concernant l’avenir du programme African Growth and Opportunity Act (AGOA), un régime de préférences commerciales accordé à l’Afrique subsaharienne par la première puissance économique mondiale depuis l’an 2000. En effet, le président élu, dont le nationalisme économique n’est plus à démontrer, est loin d’être un chantre de la libéralisation du commerce. Sa récente promesse d’imposer des droits de douane de 25% sur les produits provenant du Mexique et du Canada - les deux principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis - et d’augmenter à 60% les taxes douanières sur les produits chinois en dit long sur ses intentions protectionnistes.

Lors de sa campagne électorale, le nouveau président américain, qui prendra ses fonctions en janvier 2025, avait aussi déclaré qu'il imposerait des droits de douane de 10 ou 20% sur les importations en provenance du monde entier, et de 100% sur celles originaires du groupe des BRICS, qui comprend désormais non seulement le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, mais aussi l'Egypte, l'Ethiopie, l'Iran, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

A l’heure où « America First », l’un des slogans phares de Trump, est plus que jamais intégré dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale (NSS), les inquiétudes grandissent quant à l’abandon de l’accord commercial qui permet aux pays d’Afrique subsaharienne éligibles d’exporter environ 1800 produits vers les Etats-Unis en franchise de droits de douane. Ces inquiétudes sont d’autant plus justifiées que l’AGOA expire en septembre 2025.

Mais les experts jugent cette option peu probable. « L’accord commercial conclu avec l’Afrique subsaharienne a toujours fait l’objet d'un soutien bipartisan au Congrès américain. En avril 2024, un groupe bipartisan de sénateurs américains a d’ailleurs présenté à la chambre haute du Congrès un projet de loi portant sur la prorogation de l’AGOA jusqu’en 2041 », souligne Richard Morrow, analyste au sein du think tank Brenthurst Foundation, dans une tribune publiée le 10 décembre sur le site Web du groupe de réflexion indépendant américain Council on Foreign Relations.

Intitulée « AGOA at a Crossroads », l’analyse rappelle également que ce programme a déjà survécu à la première administration Trump en dépit d'une rhétorique commerciale protectionniste similaire. Le régime de préférences commerciales a cependant enregistré son plus bas niveau d’exportations africaines vers les Etats-Unis durant le premier mandat de Trump (8 milliards de dollars en 2019 contre un record de 66 milliards en 2008).

Les exportations du secteur de l’automobile ont été particulièrement anémiées, passant de 1,5 milliard de dollars en 2016 à 344 millions de dollars en 2019, avant de remonter à 1,7 milliard de dollars en 2023 sous l'administration Biden.

Mukhisa Kituyi, ancien ministre kényan du Commerce et secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), s’attend de son côté à ce que la prochaine administration américaine fasse pression en faveur d'une renégociation de l'AGOA plutôt que son abandon.

« Les Etats-Unis souhaitent des règles d'origine des pays tiers plus strictes afin d'empêcher, par exemple, les entreprises d'importer des textiles de Chine ou d'Inde, de les coudre en Afrique et de les vendre comme des vêtements estampillés Made in Africa », a-t-il indiqué à l’AFP.

Washington pourrait aussi limiter le nombre des produits couverts par le programme AGOA, qui constitue la pierre angulaire des relations commerciales entre les Etats-Unis et l'Afrique subsaharienne depuis plus de deux décennies.

« L’administration Trump pourrait demander au Congrès de supprimer certaines catégories de produits. Dans ce cas, l'objectif et la justification seraient de protéger les industries américaines clés. Une victime probable de ce scénario serait les importations de voitures et de pièces de rechange automobiles, étant donné que M. Trump a présenté à plusieurs reprises ce secteur comme l'exemple type du déclin économique des Etats-Unis », pronostique Richard Morrow.  

Et comme on peut s’attendre à tout et son contraire sous Trump, il est également possible que son administration procède à l’élargissement de la liste des produits couverts par l’AGOA pour y intégrer les minerais critiques. Cela est d’autant plus envisageable que le président avait, en 2017, promulgué le décret 13817, qui soulignait l'importance de réduire la vulnérabilité du pays aux perturbations de l'approvisionnement en minerais critiques dans un contexte d’exacerbation de la guerre commerciale avec la Chine.

Et last but not least, le pragmatisme à tous crins du 47e président des USA pourrait l’amener à utiliser l’AGOA comme une « arme » pour pousser les pays éligibles à s'aligner sur les intérêts du pays ou sanctionner les « amis » de la Chine. Un précédent qui a eu lieu en 2018 renforce l’hypothèse de l’utilisation du régime de préférences commerciales comme bâton par l'administration Trump. Cette année-là, les Etats-Unis avaient suspendu les exportations rwandaises de textile-habillement en franchise de droits de douane, en représailles à la décision de Kigali de taxer les importations de vêtements de deuxième main qui inondaient le pays et empêchaient l’émergence d’une industrie textile locale.

Walid Kéfi


source: https://www.agenceecofin.com/

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