TUNISIE-Souveraineté budgétaire et Sécurité des paiements | Marc Gerard, représentant résident du FMI en Tunisie : «La Tunisie a connu un double choc d’offre sur l’inflation»

  • 13 décembre 2022 / Actualité / 334 / Zakaria Asri


TUNISIE-Souveraineté budgétaire et Sécurité des paiements | Marc Gerard, représentant résident du FMI en Tunisie : «La Tunisie a connu un double choc d’offre sur l’inflation»
«Un programme FMI, ce n’est pas un programme du FMI. C’est un programme de réforme des autorités que nous appuyons en tant que conseillers pour mettre à la disposition de ces autorités une méthodologie. Il n’y a pas de caractère intrusif comme on tentend souvent». C’est avec ces mots que Marc Gerard, représentant résident du Fonds monétaire international en Tunisie, décrit l’esprit du FMI.

Pour M. Gerard, la souveraineté économique, ce n’est pas la capacité pour un pays à produire tout ce dont il a besoin. C’est la capacité de mener une politique monétaire et budgétaire indépendante, tout en tenant compte du contexte de globalisation et le fait qu’il y a une interdépendance entre les politiques économiques.

«il s’agit donc de caractériser l’environnement actuel et voir quelles contraintes cet environnement impose aux politiques économiques de différents pays… Si on observe le contexte actuel, on a des économies au niveau mondial en ralentissement. Face à cette situation, qu’est-ce qu’on doit faire ? En Tunisie, le choix des décisions des politiques budgétaire et monétaire est parfaitement souverain. Mais comme toute économie dans le monde et toute économie à revenu intermédiaire dans l’environnement actuel, il y a des contraintes à prendre en compte», a-t-il souligné, en marge de sa participation à la 36e édition des Journées de l’entreprise, tenue du 8 au 10 décembre à Sousse.

Temporaire ou permanent ?

Dans ce même cadre, M. Gerard a ajouté qu’en politique monétaire, le pays a connu un choc d’offre sur l’inflation. Toute la question c’est donc de savoir est-ce que ce choc est temporaire ou permanent et persistant ? S’il est temporaire, la théorie économique nous dit que la politique monétaire n’a pas à réagir, car ce n’est pas un problème de demande. Mais s’il est persistant, on a un problème de persistance dans l’inflation, d’érosion continue du pouvoir d’achat, d’augmentation du coût des entreprises…

«Malheureusement, on a ce problème et on a ces contraintes. Pour un pays à revenu intermédiaire comme la Tunisie, ce choc d’offre a été aggravé par un autre venant des politiques des pays industrialisés, ce qui implique des pressions sur le change et donc on a une contrainte supplémentaire», a-t-il précisé.

Programme d’ajustement structurel et FMI : quelle relation ?

A une question sur la relation entre le Programme d’ajustement structurel et le FMI, M. Gerard a indiqué que cette relation est souvent mal comprise.

«La relation entre le pays et son rapport avec le FMI est souvent mal comprise, car un programme FMI, ce n’est pas un programme du FMI. C’est un programme de réforme des autorités que nous appuyons en tant que conseillers pour mettre à la disposition de ces autorités une méthodologie. Il n’y a pas de caractère intrusif comme on entend souvent», souligne-t-il.

En effet, le programme d’ajustement structurel tunisien a été mis en place depuis 1987. On parle là d’autres problèmes d’une autre époque et d’une autre manière d’aborder ces questions. Et depuis cette date, le FMI a complètement changé son approche, non pas pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons de pragmatisme car le monde évolue. Aujourd’hui, de nouvelles notions sont apparues (l’équité sociale, le besoin de créer l’espace budgétaire pour des dépenses d’éducation, de santé, des investissements publics…) et donc tout est à refaire, car ce programme ne répond pas aux exigences actuelles.

«Les problèmes de la Tunisie sont connus depuis longtemps et les solutions sont identifiées depuis longtemps aussi. Mais il y a un blocage au niveau de la mise en œuvre des mesures et réformes nécessaires, ce qui met le pays évidemment dans une situation difficile… Depuis le début de l’année, nous sommes en discussion étroite avec les autorités qui ont élaboré un programme de réforme et ont commencé à le mettre en œuvre. Mais à la lumière des développements macroéconomiques internationaux extrêmement volatiles, on a dû revoir et réexaminer ce programme pour faire face à cette réalité et à ses exigences. Dans sa forme actuelle, ce programme s’adresse au fond du sujet et il est très exhaustif et très précis», a-t-il affirmé.

Pour la polémique créée en ce qui concerne le financement (lien entre l’encours et le nouvel accord puisqu’on parle du même montant d’environ 1,9 milliard de dollars), M. Gerard a précisé que le financement dont bénéficie la Tunisie s’est déterminé de manière statutaire.

«L’accord envisagé est standard pour un pays à revenu intermédiaire à l’instar de la Tunisie, car au sein du FMI, différents programmes sont appliqués à différents types de pays. Donc, pour la Tunisie, on n’a rien d’exceptionnel. Les besoins de financement sont plus importants et l’appui qu’on a apporté à la Tunisie c’est de catalyser d’autres financements. C’est ça la valeur ajoutée… Il est vrai qu’il existe une dette héritée du passé mais il ne s’agit pas d’un traitement particulier. Les montants alloués ne sont pas à l’usage de prendre en compte cet héritage du passé. L’idée c’est d’accompagner le programme de réformes et de le financer. Le fait que le pays soit à la fois dans une situation de rembourser certaines échéances et de créer de nouveaux financements n’a rien à avoir à cette situation. C’est du pur hasard», a-t-il expliqué.


source: lapresse.tn

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