Maroc: Hydrogène vert au Maroc : L’Allemagne dame le pion à la France



Maroc: Hydrogène vert au Maroc : L’Allemagne dame le pion à la France

Dans la course à l’hydrogène vert, la France essaie de se tailler une place au Maroc. Le 6 mars dernier, la task-force hydrogène de l’organisation patronale française MEDEF a effectué une visite au Royaume pour discuter des opportunités de collaboration dans ce domaine. Conduite par Valérie Levkov, directrice Afrique, Moyen-Orient et Méditerranée Orientale du groupe public français EDF, la délégation a rencontré les acteurs marocains du secteur, à leur tête l’ONHYM.

Cette visite s’est effectuée dans un climat de tension palpable entre les deux pays. Depuis plusieurs mois, le siège d’ambassadeur du Royaume à Paris est inoccupé. Un froid diplomatique confirmé encore dernièrement, lorsqu’une source officielle marocaine a répondu sèchement à Macron, à travers Jeune Afrique, que les relations entre le Maroc et la France n'étaient “ni bonnes ni amicales”.

Si malgré ces conditions, la France tente une percée au Maroc, c’est que dans le domaine des énergies renouvelables, en général, et de l’hydrogène vert, en particulier, la concurrence avec son voisin d’outre-Rhin s’intensifie, non seulement dans les couloirs du Parlement européen à Bruxelles, mais également en Afrique du Nord, et plus particulièrement au Maroc.

A couteaux tirés 

Dans le cadre des négociations autour de la directive RED III, fixant les nouveaux objectifs de l’Union Européenne (UE) en matière d’énergies renouvelables, Allemands et Espagnols s’opposent à la volonté française de considérer l’hydrogène fabriqué à partir du nucléaire comme hydrogène “vert”. Il s’agit d’un enjeu important pour la France, puisque la grande majorité de son électricité est issue du nucléaire, contrairement à l’Allemagne qui a entamé depuis 2011 une sortie progressive de cette source d’énergie. 

Tandis que Paris comptait capitaliser sur son patrimoine nucléaire pour avoir de l’hydrogène bon marché, Berlin a multiplié depuis une décennie investissements et partenariats visant à développer des énergies renouvelables et de l’hydrogène à bas prix. Les Allemandes ont très judicieusement vu dans le Maroc un partenaire fiable et d’avenir pour le développement de cette filière. 

“Dès l’annonce de la stratégie énergétique marocaine en 2008, l’Allemagne s’est assurée d’être aux premières lignes pour la déclinaison de la vision royale”, écrit l’ex-PDG du CRI Casablanca-Settat puis de l’AMDIE Hamid Ben Elafdil, dans un papier intitulé “La stratégie allemande d’affaiblissement de la France sur la question de l’énergie s’étend en Afrique du Nord”.

Les deux pays signent en 2012 le Partenariat Énergétique Maroco-Allemand (PAREMA) visant à accompagner le Royaume dans sa transition énergétique. Cet accord permet aux acteurs allemands de se fondre dans le paysage énergétique marocain. Etat, fondations et entreprises privées chassent en meute sur le terrain marocain, selon une organisation bien déterminée. 

Hamid Ben Elafdil explique dans son article que l’Agence de Coopération Internationale Allemande (GIZ) va assurer “l’évangélisation et l’accès au marché”, les autres ONG vont cibler les acteurs non-institutionnels (Heinrich-Böll, Konrad-Adenauer…), tandis que des entreprises comme Siemens et Flagsol vont remporter d’importants marchés.

Hydrogène Made In Morocco


Comprenant que l’hydrogène est un moyen à la fois de pallier à l’intermittence des énergies renouvelables, décarboner l’industrie et le transport et réduire la dépendance au gaz russe, l’Allemagne lance en 2020 une ambitieuse stratégie nationale de l’hydrogène visant à faire du pays un des leaders mondiaux dans ce domaine.

Le pays compte produire localement ce gaz, mais également assurer l’approvisionnement en investissant dans d’autres pays. Là aussi, Berlin comprend que le Maroc est incontournable pour déployer cette stratégie. “Grâce à son soleil et son vent, ainsi que ses infrastructures, le Maroc est une destination de choix pour les investissements en hydrogène”, nous explique Aïcha Oujidi, Hydrogen Project Manager auprès de la Chambre de commerce allemande au Maroc.

En effet, diverses études montrent que le prix de l'hydrogène vert produit dans le Royaume serait l’un des plus compétitifs au monde. D’après un rapport du cabinet de conseil Aurora Energy Research, l’hydrogène exporté du Maroc vers l’Allemagne via gazoduc coûterait 3,72 euros le kg, tandis que celui produit sur le territoire allemand aurait un coût de 3,90 euros le kg. La position géographique du Royaume fera donc de lui un fournisseur incontournable en hydrogène vert pour l’Europe, en général, et l’Allemagne, en particulier.
 

Crise diplomatique


Exceptionnelle, cette relation risquait pourtant de se briser lorsque Rabat, agacé par l’activisme allemand sur la question du Sahara, avait décidé le premier mars 2021 de suspendre ses relations avec Berlin à cause de “malentendus profonds”. La collaboration avec les fondations allemandes et les projets bilatéraux en cours ont aussi été mis en veille, en attendant des clarifications de Berlin. 

Avec l’arrivée au pouvoir du nouveau chancelier Olaf Scholz, le ministère des Affaires étrangères allemand enterrera définitivement la hache de guerre en publiant en décembre 2021 un communiqué qui déclare que «le Maroc a apporté une contribution importante» concernant la résolution du conflit au Sahara, «à travers un plan d’autonomie au Sahara en 2007». 

Les choses peuvent ainsi revenir à la normale entre les deux pays, et permettre à Berlin d’intégrer le Maroc comme destination prioritaire de son programme “H2Uppp“, qui promeut les projets verts autour de l’hydrogène dans les pays en développement et émergents, avec l'objectif principal de développer davantage les marchés des technologies vertes grâce à une coopération sur site.

Victoire haut la main pour Berlin ? Si la France essaie timidement de se positionner au Maroc, c’est sur un autre front qu’elle veut dynamiter les ambitions allemandes. Dans le cas où l’hydrogène issu du nucléaire n’est pas adopté par l’UE, Paris menace de bloquer le projet de pipeline H2Med, censé transporter l’hydrogène entre l’Espagne, la France et l’Allemagne. Or, la meilleure option à disposition du Maroc pour exporter son hydrogène est de connecter H2Med au Gazoduc Maghreb-Europe. La relation triangulaire Rabat-Paris-Berlin risque de se corser au cours des prochains mois.


source: www.lopinion.ma

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