L’Algérie et les pays pétroliers du Moyen-Orient : Performances comparatives en 2020 et perspectives pour 2021
- 04 novembre 2020 / Analyses / 339 / Emerging Africa

En dépit de mesures destinées à limiter les effets de la pandémie et protéger la santé publique, les travailleurs et les entreprises, le monde continue de faire face à un environnement incertain et difficile, notamment à la suite de la seconde vague de contamination qui est apparue ces dernières semaines. Si cette dernière vague rappelle l’impérieuse nécessité de poursuivre les mesures d’urgence (pour continuer de limiter les pertes en vies humaines, la disparition de revenus et accroître les dépenses sociales), il est également opportun de jeter les fondations de la reprise et de la remise en place d’économies plus solides.
Pour ce qui la concerne et à l’instar de nombreux pays exportateurs de pétrole, l’Algérie fait face depuis mars 2020 à un second choc causé par la chute des prix du baril. Au moment où l’année 2020 approche de sa fin et où la loi des finances initiale pour 2021 est en discussion au niveau de la représentation nationale, il est important de s’interroger sur les performances macroéconomiques de l’Algérie et ses perspectives pour 2021. Deux autres points méritent notre attention :
Perspectives économiques mondiales
La seconde vague de contaminations à la Covid-19 qui déferle sur un grand nombre de pays dans le monde nous rappelle que le retour à la normale sera long, inégal et semé d’incertitudes. Les raisons d’espérer ne font pas défaut, toutefois au vu de l’intensification des tests, d’une meilleure connaissance de la maladie, de l’amélioration des traitements et de l’accélération des efforts des laboratoires et chercheurs à mettre au point un vaccin efficace au cours des prochains mois. Par ailleurs, l’analyse des indicateurs économiques relatifs au second trimestre suggèrent une certaine amélioration au niveau des grands pays avancés.
En outre, la croissance est de retour en Chine qui devrait atteindre un taux de 0,9% en 2020. Cependant, pour de nombreux autres pays émergents et économies en développement, les perspectives restent précaires. Les réponses fiscales, monétaires et réglementaires à travers le monde ont été sans précédent par leur ampleur et leur rapidité et ont contribué à améliorer les systèmes de santé, compenser les pertes de revenu des ménages, canaliser de la trésorerie aux entreprises et renforcer l’octroi de crédit par les banques.
Ces réponses ont permis de contenir dans une certaine mesure les retombées négatives des deux chocs sanitaire et pétrolier et éviter la reproduction de la profonde crise financière de 2008-09. Prenant acte de ce faisceau d’actions et de données économiques et financières pour le premier semestre de l’année en cours, les services du FMI ont projeté un recul de la croissance économique mondiale à moins 4,4% en 2020 et un rebond de plus 5,2% en 2021 tout en attirant l’attention des pays sur un certain nombre de risques relatifs à la monte de la dette publique et à la stabilité des systèmes bancaires nationaux.
Situation économique et financière de la région Moyen-Orient
Aux effets de la pandémie se sont surajoutés les impacts négatifs du choc pétrolier de mars 2020 qui a une double origine au niveau de la demande et l’offre. Si l’accord OPEP/G20 d’avril 2020 reconduit d’ailleurs en juin 2020 (destine à diminuer l’offre globale de brut) a permis une remontée des prix, compensant ainsi 45% la baisse survenue depuis fin 2019, les prix du baril demeurent toutefois bas, soit environ 35% en deçà des niveaux en vigueur avant le choc sanitaire. Le bilan des effets combinés des deux chocs (confinement des populations, fermetures de secteurs entiers d’activité économique, demande intérieure et extérieure faibles) est lourd sur les plans de la croissance économique, des finances publiques et des échanges extérieurs. D’après les données publiées par les services du FMI dans son rapport sur les perspectives économiques régionales du Moyen-Orient, le PIB réel de la région du Moyen-Orient devrait subir une contraction de 4,4% en 2020 avant de rebondir en 2021 pour se situer à 2,9%. Pour les 11 pays exportateurs de pétrole de la région, les projections macroéconomiques font apparaître :
Les enjeux pour la sortie de la crise économique au Moyen-Orient
Deux points :
Comparaison des performances entre l’Algérie et les autres pays pétroliers du Moyen Orient
Pour les finances publiques :
Quel faut-il faire à court et moyen terme pour ce qui est de la région ?
Le climat d’incertitude ambiant face à la plus grande pandémie qu’ait connu le monde depuis des décennies ne doit pas donner lieu à de la complaisance mais au contraire pousser à tracer des trajectoires mixtes d’endiguement de la maladie et de relance de l’économie en tenant compte de la marge de manœuvre du pays. Ainsi dans son rapport, le FMI suggère de :
(1)- continuer d’actionner le levier budgétaire pour soutenir l’activité en l’adaptant aux changements des circonstances (dépenses de santé, compensation des pertes de revenus, subventions pour l’emploi, appui à l’activité économique) et ne pas procéder à un retrait prématuré du dispositif budgétaire en place de façon prématurée pour ne compromettre toute reprise naissante. Les coûts budgétaires et la dette publique dérivés de la phase d’urgence seront traités lors de la phase relance, une fois l’urgence terminée.
Parallèlement, les pouvoirs publics devraient davantage distinguer les situations d’illiquidité et d’insolvabilité dans les dispositifs d’aide et pousser pour des réformes dans la gouvernance économique pour assurer le bon usage des ressources octroyées. Pour le cas des pays sous contrainte financière, la politique budgétaire doit être conçue dans le sens d’un ciblage adéquat des dépenses, une réorientation de ces dernières en fonction des priorités de l’heure (santé, éducation, secteur social) et d’une création de marges indispensables. Pour les pays à faible revenu et les pays fragiles, l’aide internationale sera déterminante pour accompagner la gestion des défis de l’heure et éviter des ajustements trop brusques ;
(2) poursuivre des politiques monétaires et financières accommodantes, avec le souci principal des banques centrales de maintenir le coût de l’emprunt à un niveau bas et des conditions de crédit appropriées, recenser les créances douteuses et litigieuses et, le cas échéant injecter des capitaux au niveau de certaines banques et sociétés non financières d’importance systémique.
Que faut-il faire en Algérie ?
Pour le premier point. Les projections macroéconomiques des services du FMI pour 2020 et 2021 rejoignent celles que j’ai eu souvent l’occasion de présenter dans des articles précédents. J’ai toutefois des réserves sur le taux de croissance prévisionnel pour 2021. Bien que bienvenue si elle s’avérait crédible, cette projection pour 2021 me paraîtrait très optimiste car elle implique un gain de 7,2 points de pourcentage en 2021, une performance difficile à envisager vu les rigidités structurelles de l’économie, la persistance de la pandémie et ses impacts négatifs sur les travailleurs et les entreprises dont une grande partie risquent de disparaître et la faiblesse des politiques publiques.
Notons en outre le rapport de juin 2019 dans lequel le FMI a fait un bilan de ces programmes mis en œuvre entre 2011 et 2017 et a souligné un grand nombre de faiblesses, notamment les hypothèses optimistes en termes de croissance dépassant les réalisations de 1 point du PIB sur le court terme et 1,5 point du PIB sur le moyen terme. Le danger d’un tel optimisme conduit à articuler des conseils macroéconomiques erronés dans la mesure où le PIB est au centre de tout le cadrage macroéconomique et des politiques publiques sous-jacentes. In fine, sous-estimer les besoins de financement ne peut que compromettre le succès des programmes de redressement.
Pour le second point, l’économie algérienne était déjà fortement déséquilibrée à fin 2019, bien avant les chocs sanitaire et pétrolier de mars 2020 qui l’ont davantage endommagée. Face à la récession, les politiques publiques mises en place ont été en deçà des attentes :
Pour le troisième point, à savoir la trajectoire d’endiguement de la crise sanitaire, de relance de l’activité et de la reconstruction de l’économie du pays, et au vu des contraintes majeures en matière de ressources budgétaires et extérieures et de l’ampleur des ajustements budgétaires et du compte courant de la balance des paiements, la seule voie est celle des réformes économiques en profondeur et dans un contexte à moyen et long terme. Il est impératif de préparer une stratégie intérimaire 2021-2023 et profiter de la prochaine échéance économique (une loi de finances complémentaire 2021) pour réorienter les politiques publiques vers des réformes à moyen terme dont les objectifs macroéconomiques clairs et réalistes seraient les suivants :
Ces politiques macroéconomiques prendront du temps à produire les effets, mais sur le moyen terme elles permettront de rétablir les conditions d’une reprise de la croissance économique. En outre, il faudra compléter ces efforts par les réformes structurelles bien ciblées et ambitieuses. Une voie incontournable
source: El watan